Sens & idées | Le Jeu au service de la QVT : Dépasser le syndrome du Babyfoot
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Le Jeu au service de la QVT : Dépasser le syndrome du Babyfoot

16 Sep Le Jeu au service de la QVT : Dépasser le syndrome du Babyfoot

Depuis son entrée sur la scène médiatique, le concept de « Qualité de Vie au Travail » ou « QVT » a souffert d’une image parfois futile, souvent réduite à la caricature du fameux babyfoot en salle de pause (voir « Vu dans les médias »). Cette vision stéréotypée a contribué à décrédibiliser la QVT et à minimiser le recours au jeu comme véritable levier de bien-être et de performance. Et pourtant…

 

Les fonctions essentielles du Jeu

La littérature en sciences humaines et sociales regorge de théories et études portant sur la notion de Jeu, ses fonctions et ses effets sur le comportement humain. Ces apports permettent de mieux comprendre pourquoi et comment l’utilisation du Jeu en entreprise peut agir sur la Qualité de Vie au Travail, le bien-être des salariés et la performance des organisations.

Les travaux du célèbre psychanalyste britannique, Donald Winnicott, apportent un éclairage quant aux fonctions essentielles du Jeu dans le développement des capacités cognitives et sociales chez l’Être Humain. En synthèse, il postule que « l’activité transitionnelle » (ici, le Jeu) constitue une « aire intermédiaire » permettant au sujet de se confronter au réel, pour mieux s’y adapter, voire pour agir directement sur les contraintes imposées par une situation donnée. À travers le Jeu, l’individu agit sur la situation autant qu’elle agit sur lui, médiatisant un processus d’appropriation des caractéristiques fonctionnelles et symboliques du Jeu lui-même. La mobilisation de plusieurs individus au sein d’un même espace d’activité peut ainsi contribuer au développement des relations sociales par la mise en partage d’expériences, de croyances, menant à la formation d’une culture commune. L’intégration progressive de ces caractéristiques culturelles détermine ensuite l’adoption de mode de penser et de se comporter de façon à « chercher à atteindre » les objectifs posés par le Jeu.

 

Application du Jeu au monde de l’entreprise  

Appliqué au monde de l’entreprise, le recours au Jeu peut donc être un moyen pour les salariés d’expérimenter de nouvelles situations en les libérant de leurs habitudes, de leurs certitudes et parfois même de leurs « blocages » face à l’obligation de performance. La mise en situation par le Jeu peut alors permettre une meilleure appropriation de la situation en question, et faire émerger les ajustements fonctionnels et organisationnels nécessaires pour faciliter le déroulement de l’expérience.

Au niveau individuel, le Jeu peut également être utilisé pour entretenir des aptitudes déjà acquises, mais aussi pour stimuler des soft skills telles que l’observation, l’analyse, la visualisation, la créativité, l’adaptation et la persévérance des salariés face à une problématique.

Au niveau collectif, l’utilisation de Jeux permet de façonner les modes de socialisation et de communication, en favorisant l’émergence de comportements appropriés (confiance, empathie, sens du collectif, audace…).

 

« Dis-moi comment tu joues, je te dirai qui tu es. Dis-moi à quoi tu joues je te dirai qui tu deviendras… »

Selon la théorie des jeux, le comportement humain serait déterminé par la recherche de la maximisation de ses propres gains. Dès lors, comment expliquer les comportements de coopération, voire même d’abnégation, consentis par certains au service de l’intérêt général ?

Les travaux menés en psychologie sociale ont démontré que, au-delà du principe de maximisation, le comportement d’un joueur est également influencé par la façon dont il suppose que les autres joueurs (concurrents ou alliés) agiront. Prenons un exemple :

 

Le dilemme du prisonnier

2 prisonniers suspectés d’être complices d’un crime se voient offrir les choix suivants :

  1. si un seul des deux dénonce l’autre, il sera remis en liberté alors que l’autre obtiendra une peine de 10 ans d’enfermement ;
  2. si les deux se dénoncent mutuellement, chacun d’eux sera condamné à une peine de 5 ans ;
  3. si aucun d’eux ne dénonce l’autre, ils écoperont chacun de 6 mois, faute de preuve.

 

Dans cette situation, chacun des joueurs réfléchit de son côté en considérant les hypothèses suivantes :

Dans le cas où l’autre me dénoncerait Dans le cas où il ne me dénoncerait pas
·   si je me tais, je ferai 10 ans de prison ;·   si je le dénonce, je ne ferai que 5 ans. ·   si je me tais, je ferai 6 mois de prison ;·   si je le dénonce, je serai libre.

 

Dans cette situation, le choix de dénoncer son complice (comportement de compétition) est toujours le plus avantageux et le moins risqué (peine de prison moindre dans les deux cas) que le choix de se taire (comportement de coopération), quand bien même s’eut été l’option la plus favorable au groupe. Une situation que l’on retrouve malheureusement trop souvent dans le monde de l’entreprise.

 

Exemple 2 : Ami ou Ennemi

2 joueurs doivent se répartir la somme de 10 000 €. Individuellement, chacun d’eux est interrogé sur la façon dont il souhaite répartir les gains selon les modalités suivantes :

  1. si l’un des 2 choisit de garder tout l’argent pour lui, il repart avec la somme de 10 000 €, pendant que l’autre repart un lot de consolation de 1000 € ;
  2. si les 2 choisissent de se répartir équitablement la somme, chacun d’eux repart avec la moitié qui lui revient, soit 5 000 € ;
  3. si les 2 choisissent de garder tout l’argent, chacun d’eux repart les mains vides.

 

À nouveau, chacun des joueurs observe les hypothèses qui s’offrent à lui :

Dans le cas ou l’autre choisit de partager Dans le cas où il choisit de ne pas partager
·     si je ne partage pas, je prends 10 000 €·     si je partage, je prends 5 000 €. ·     si je ne partage pas, je repars avec 0 € ;·     si je partage, je repars avec 1 000 €.

 

Ici, contrairement à la situation précédente, le choix de partager (miser sur la coopération) est donc toujours plus avantageux que le choix de la compétition, et ce même si la somme des gains personnels est moins élevée.

 

La confrontation de ces deux exemples souligne l’impact de la typologie du Jeu proposé (coopération vs. compétition ; jeu à somme nulle vs. à somme non nulle, etc…) sur les modes de pensée, le comportement des individus et la structuration des rapports sociaux. En ce sens, qu’on le veuille ou non, le choix des jeux mis à la disposition des salariés n’est pas neutre et reflète les valeurs de l’entreprise. À ce titre, il est donc primordial qu’ils les reflètent le plus fidèlement possible.

 

Mais alors, quels jeux choisir ?

Les possibilités de jeux en entreprise sont aujourd’hui innombrables et il n’existe pas de jeu idéal. Le plus important est de choisir ceux qui correspondent le plus aux besoins des salariés, et à la vocation de l’entreprise. Notre conseil est de proposer une répartition équilibrée autour de 3 axes complémentaires :

 

  • L’axe récréatif : ordinairement utilisé pendant les temps de pause pour se détendre, se défouler, partager un moment agréable avec ses collègues ; il peut s’agir de jeux de société, de jeux de cartes, de jeux vidéo, de jeux sportifs…
  • L’axe pédagogique : mobilisable dans le cadre de formations, d’accompagnement au changement, ou pour faciliter l’appropriation de nouvelles méthodes et procédures de travail ; par le biais de jeux de rôles, de jeux de scène, de jeux d’adresse, de quizz, de résolution de problème…
  • L’axe identitaire : mis en place pour valoriser les comportements en adéquation avec les valeurs de l’entreprise, renforcer la cohésion d’équipe, notamment au travers de jeux coopératifs, d’ateliers teambuilding, d’escape game, de chasse au trésor, de vis-ma-vie…

 

Enfin, gardez à l’esprit que le Jeu est d’abord un moyen et non une fin. Aussi, le développement de la Qualité de Vie au Travail par le Jeu suppose qu’il soit délimité par des plages dédiées, qu’il n’impacte pas le travail ou l’équilibre de vie, que les salariés y trouvent un intérêt, et qu’ils s’y adonnent de façon volontaire. L’observation de ces quelques règles suffit à éloigner le risque d’une infantilisation de vos collaborateurs, et ainsi éviter l’écueil du « wellness washing ».

Alors… À vous de jouer !