Sens & idées | « La sécurité psychologique » : ce ressort méconnu de la QVCT et de la performance collective
Sens & idées, cabinet conseil, accompagne la performance et la transformation des entreprises par le management du changement, le bien-être au travail, la prévention des risques psychosociaux (et s’appuie sur un baromètre social, qualité de vie au travail, satisfaction des collaborateurs.
Sens & idées, performance, mutation, entreprises, démarche, RSE, management, changement, politiques, sociales, bien-être, travail, prévention, risques, psychosociaux, baromètre, social, vie, collaborateurs
16763
post-template-default,single,single-post,postid-16763,single-format-standard,ajax_leftright,page_not_loaded,boxed,,qode-theme-ver-5.6,wpb-js-composer js-comp-ver-4.3.4,vc_responsive

« La sécurité psychologique » : ce ressort méconnu de la QVCT et de la performance collective

15 May « La sécurité psychologique » : ce ressort méconnu de la QVCT et de la performance collective

« Je vais poser une question bête », « Je ne voudrais pas passer pour un imbécile », « Je préfère me taire, sinon ça va me retomber dessus » : Combien de fois avez-vous entendu ces phrases (ou peut-être même les avez-vous déjà dites) ? Et pourtant, on s’aperçoit bien souvent que le propos n’était pas si incongru ; et, parfois même, que des aléas auraient pu être évités si la question avait été posée. Aux racines de ce « mauvais réflexe » : la « (in)sécurité psychologique ». Découvrez comment développer et piloter les effets de ce puissant ressort, considéré par la firme Google comme le facteur n°1 de la performance.

 

La sécurité psychologique : un concept simple… agissant sous les radars

Le concept a été théorisé il y a une vingtaine d’année par Amy Edmondson, professeure de Leadership et de Management à Harvard. Il renvoie à un climat de confiance partagé au sein d’un collectif, permettant aux salariés d’exprimer librement leurs avis, leurs incompréhensions, de poser des questions, de signaler un problème ou de proposer une nouvelle idée… sans craindre d’être jugé, moqué ou mis sur le banc de touche. Jusqu’ici, rien d’exceptionnel. Mais en réalité, les effets de la (in)sécurité psychologique sont aussi silencieux que redoutables.

Lorsque le sentiment de sécurité est présent, cela ne saute pas nécessairement aux yeux : les divergences d’avis peuvent engendrer des tensions, les problèmes peuvent susciter des frustrations, cela ne protège pas des erreurs… Mais le « Droit à l’erreur » accordé à tous permet à chacun d’oser prendre des initiatives, d’apprendre des échecs, et d’innover. La sécurité psychologique agit alors comme un levier invisible de réduction du stress et d’amélioration de la performance.

A l’opposé, le manque de sécurité psychologique ne fait pas davantage de bruit : les réunions sont calmes, les tensions ne s’expriment pas, les collaborateurs “font le job”. Mais en coulisses, les idées originales sont tues, les erreurs se répètent ou sont mises sous le tapis, les conflits s’enkystent, les équipes se démotivent… Certains même manifestent de la souffrance au travail. Résultat : c’est toute l’organisation qui est impactée (dégradation du climat relationnel, absentéisme, turn-over, perte de performance et d’innovation…).

 

Dans la « vraie vie » des entreprises : Google et le Projet Aristote 

De nombreuses recherches ont confirmé l’importance du concept théorisé par Amy Edmondson. En 2012, le département des Ressources Humaines de Google lançait le « Projet Aristote ». Cette étude, menée auprès de 180 équipes de la firme, a abouti à une conclusion inattendue : le facteur n°1 de performance d’une équipe n’est ni le talent des individus, ni l’expertise… mais bien la sécurité psychologique.

Ce prérequis est ensuite suivi et compléter par la « co-dépendance » (càd le partage de critère de qualité partagé), la clarté des rôles et des objectifs, le partage du « sens au travail » et de « l’impact » (càd le sentiment d’utilité de la tâche).

 

Des effets puissants… mais paradoxaux

Une récente étude menée en 2025 par Rebecca Loudoun, professeure associée à l’Université Griffith (Australie), a confirmé le rôle crucial de la sécurité psychologique en tant que modérateur du bien-être au travail. Toutefois, ses résultats montrent des effets aussi intéressants qu’inattendus.

Sans surprise, ses conclusions révèlent l’exposition aux risques psychosociaux impacte négativement le sentiment de bien-être au travail. Sans davantage de surprise, les résultats confortent l’influence positive de la sécurité psychologique sur le bien-être au travail.  Ce qui est plus surprenant, c’est qu’au-delà d’un certain seuil, la sécurité psychologique perd son pouvoir de protection face aux risques psychosociaux. Pire, elle aurait même tendance à augmenter les effets négatifs de ces derniers. En d’autres termes, « trop de sécurité psychologie, tue la sécurité psychologique ».

 

Cet effet contre-intuitif offre des éléments de réponse au phénomène maladroitement qualifié « d’enfants gâtés », parfois objecté en réponse aux difficultés exprimées par des salariés qui « ne sont pas à plaindre ». Ce paradoxe peut s’expliquer par deux effets successifs et tout à fait distincts.

Le premier résulte des bénéfices directs de la sécurité psychologique ; en « nettoyant » l’environnement des sources « d’insécurité », elle engendre directement une amélioration du vécu professionnel. Plus cet effet est durable, moins il nécessite de se « défendre » face aux risques psychosociaux. L’évolution du cadre de référence, bien que positif, engendre alors une plus grande vulnérabilité aux situations « pathogènes ».

Le deuxième effet est lié à la stimulation de l’expression des salariés, exhumant ainsi des oppositions de points de vue sources de conflits, ou remettant en question des méthodes établies à l’origine de pertes de repères. Sur le long-terme, cette situation peut paradoxalement contribuer à un vécu insécurisant, aggravé par les bénéfices de l’effet précédent. Pourtant, vue de l’extérieur, tout semble aller bien.

 

Piloter la sécurité psychologique : un enjeu QVCT

Le problème n’est pas de savoir si les entreprises ont intérêt ou non à développer la sécurité psychologique : les résultats des nombreuses recherches et leurs applications in situ parlent d’eux-mêmes. La question est de savoir « Comment la piloter et en maintenir les effets ? »

Tout repose sur des gestes concrets du quotidien :

👉Côté managers : Un rôle clé, ils peuvent eux-mêmes montrer leur vulnérabilité, admettre leurs erreurs, partager leurs doutes, écouter activement. Un leader qui ose dire « Je ne sais pas » ou « J’ai fait une erreur » encourage son équipe à en faire autant.

  • Encouragez l’expression des idées
  • Donner (et sachez recevoir) les feedbacks
  • Valoriser le Droit à l’erreur
  • Utilisez des retours d’expérience pour partager les bonnes pratiques, identifier les axes d’amélioration
  • Instaurez des espaces formels et réguliers de remontée et de traitement des problématiques de travail, en veillant à l’animation des tours de parole
  • Identifiez les axes d’amélioration
  • Assurez l’arbitrage de décisions et le suivi des actions dans le temps.

 

👉 Côté RH et direction : Un salarié qui se sent protégé et respecté ose davantage parler. Cela passe par des politiques RH garantissant un suivi des problématiques de travail sans représailles, et une culture d’entreprise qui valorise la diversité des opinions et des besoins.

  • Intégrez la sécurité psychologique dans vos démarches QVCT, en y incluant la perception du « Droit à l’erreur » et de « l’Acceptation des émotions au travail »
  • Appréciez le « Sentiment de respect », « d’Egalité de traitement », de « Considération » et de « Valorisation » perçus par vos collaborateurs
  • Objectivez l’efficacité de la « Cohésion – Coopération » et le « Soutien professionnel » au sein des équipes et entre elles
  • Et questionnez les signaux d’alerte (« Violence interne », « Violence externe », « Stress »).

 

En résumé

La sécurité psychologique est peut-être ce qui distingue une QVCT cosmétique d’une QVCT authentique et transformatrice. Ce n’est pas une couche de vernis. C’est le bois sous la peinture. Le socle invisible sur lequel reposent la confiance, la coopération et la performance durable.